

Photo : Un enfant de Tinzaouatène blessé par l’attaque du drone. Il est qualifié de « terroriste » par le gouvernement putschiste malien (ainsi que par leurs soutiens, l’AES). Wagner s’en fiche, ils tuent pour de l’argent.
Dans un excellent article de Dijonctr.info Concernant la récente manifestation qui a eu lieu à Dijon le 31 août, ils expliquent également la situation complexe et urgente dans l'Azawad.
L'article a été écrit en français, mais avec leur permission, nous le publions désormais ici sur ce blog en français, anglais, arabe et portugais.
Car il est dans l’intérêt de la communauté internationale de savoir ce qu’est l’Azawad et ce qui provoque cette situation où des milliers de populations civiles azawadiennes sont contraintes de fuir et sont exterminées par le duo #terroriste des forces armées maliennes et leurs auxiliaires mercenaires russes de #Wagner violant tous les droits humains qui existent.
Le silence n'est plus une option ! Lisez l'article ci-dessous.
Alors qu'un rassemblement de soutien aux Touaregs de l'Azawad s'organise à Dijon, Bilal – un Touareg franco-azawadien installé à Dijon – explique la situation sur place dans une longue interview et appelle à un large soutien au mouvement national de libération de l'Azawad.
Pourriez-vous expliquer ce qu’est l’Azawad ?
Bilal : L’Azawad est la région du nord du Mali. C’est une vaste zone dans laquelle vivent plusieurs ethnies, notamment les Touaregs, mais aussi les Songhay, les Maures, etc. Il y a eu beaucoup de changements politiques ces dernières années, depuis la rébellion des Touaregs et d’autres populations de l’Azawad en 2012. C’est une zone riche (en pétrole, en or, en uranium, etc.) mais abandonnée par l’État malien aux trafiquants, sans développement et sans autorité pour gérer la zone. En 2012, il y a eu une révolte du MNLA – le Mouvement national de libération de l’Azawad – il s’est passé beaucoup de choses importantes, avec des interventions extérieures de la France et des forces de l’Union africaine pour lutter contre le terrorisme.
Qui combattait également les militants de l’Azawad ?
Bilal : C’est plus compliqué que ça. Ces forces sont toutes contre l’indépendance de l’Azawad, mais elles sont surtout intervenues pour lutter contre le terrorisme. En 2015, après de nombreuses négociations, il y a eu un accord entre le mouvement indépendantiste touareg et le Mali, avec la médiation de l’Algérie, qui devait être garante de cet accord. L’accord prévoyait une large autonomie de l’Azawad : les forces de l’Azawad seraient mélangées aux forces maliennes, tout en gardant le pouvoir central à Bamako. Les accords ont été signés, les Touaregs les ont acceptés, mais le Mali ne les a pas respectés. Quelques points ont été travaillés, mais la moitié de l’accord n’a pas été mise en œuvre.
Et il y a eu un coup d’État militaire en 2020 ?
Bilal : Il y a eu plusieurs coups d’État, mais le dernier a eu lieu en 2020. La première chose que les militaires ont faite, c’est de prendre l’accord et de le jeter à la poubelle. Ils ont chassé toutes les forces internationales qui étaient là pour maintenir la stabilité de la paix. Ils leur ont demandé de partir, et elles sont parties. L’Algérie, qui était censée être garante de l’accord, n’a pas dénoncé ce qui se passait. Le mouvement indépendantiste a été surpris et s’est retrouvé face à une armée qui veut l’éradiquer, sans négociation, avec la complicité de la milice Wagner.
Le Mali a montré qu’il ne veut plus la paix, mais simplement l’éradication de tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. Les dirigeants maliens parlent des indépendantistes comme de terroristes, tout Touareg qui n’est pas d’accord est traité comme un terroriste. Alors qu’avant toutes ces histoires, le Mali a contribué à l’installation des terroristes dans la zone de l’Azawad. Car à chaque révolte dans l’Azawad, des mouvements de trafiquants terroristes se sont alliés au Mali.
Les mouvements terroristes préfèrent-ils l’instabilité créée par le Mali ?
Bilal : Oui, exactement. Cette zone est un passage reliant le Maroc, le Sahara occidental et l'Afrique de l'Est, principalement l'Égypte. C'est un passage pour la drogue, pour tout ce que vous voulez. Les gens n’ont aucun intérêt à ce que cette zone soit sûre. Et cela arrange le Mali, qui ne veut pas de l’indépendance touarègue. L’État malien dit mener une guerre contre les terroristes, mais cela n’a jamais été le cas. C'est un État voyou qui est toujours là pour opprimer, grâce à des alliances comme aujourd'hui avec les mercenaires russes.
Depuis novembre 2023, toute la population de l'Azawad en désaccord avec le Mali est partie vers les pays voisins, l'Algérie et la Mauritanie, car les gens sont attachés à leur indépendance et à leur autonomie, ils veulent gérer leur vie et ils savent qu'ils seront massacrés s'ils restent. Cela s’est déjà produit dans l’histoire : en 1963, Modibo Keïta, le premier président du Mali, avait fait la même chose contre les Touaregs. Le mouvement indépendantiste a donc abandonné les zones qu’il contrôlait. Il y a cette nouveauté des drones, que l’histoire touarègue n’a jamais connue… Les drones, on ne peut pas… Il faut se mettre à couvert, parce que si on n’a pas d’anti-drones, on va se faire écraser. Soudain, la junte militaire et ses mercenaires avancèrent et commencèrent, ville après ville, village après village, à tuer tous ceux qui n’obéissaient pas. Ils voient tout le monde comme des rebelles.
Que s'est-il passé à Tinzaouatène la semaine du 25 août ?
Bilal : #Tinzaouatène est la dernière poche contrôlée par les indépendantistes de l'Azawad, c'est une ville frontalière avec l'Algérie. Une colonne de l'armée malienne et de mercenaires russes fut chargée d'occuper cette dernière ville. Il fut surpris par la résistance et fut décimé. L'armée entière fut décimée, à l'exception de quelques prisonniers parmi lesquels se trouvaient des mercenaires russes. Quand les soldats et les mercenaires arrivent dans un camp, ils demandent aux gens s'il y a des rebelles, ils cherchent des informations et ils humilient les gens pour qu'ils parlent. Sauf que les gens n’ont aucune information, les rebelles ne vont pas donner d’informations à un berger. Mais ils font tout pour les faire parler.
Lorsque ces otages mercenaires étaient sur place, les Touaregs ont récupéré leurs téléphones et ont trouvé des vidéos de pillages et de vols. Dans une vidéo, on voit une pauvre femme touarègue à qui on demande des informations. Elle dit qu'elle ne sait pas, qu'elle ne bouge pas de là où elle habite. Ils l'ont forcée à se déshabiller et ont filmé la scène. Dans ces téléphones, on retrouve les preuves de l’humiliation et de la répression des populations pauvres.
Pour l'instant, il y a une pause dans les combats après Tinzaouatène, mais ils préparent la revanche. Le plan est d’éradiquer tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux. C’est la situation actuelle, mais il y a des résistances. Il y a une résistance malgré les différences de moyens militaires.
En tout cas, ce sont des gens qui ont l'avantage du terrain, ils sont chez eux.
Le Mali va être humilié, ce sera une honte et cela les rattrapera car ce qui se passe en ce moment est la dernière ligne droite pour la cause de l'Azawad. Il n’y a jamais eu autant de résistance de la part de l’Azawad, et autant de haine de la part du Mali. C'est le combat final, avec un gagnant et un perdant à la fin.
Existe-t-il une sorte de coordination entre les rebelles touaregs et les mouvements islamistes radicaux ?
Bilal : Il n’y a jamais eu de coordination. Ce qui se passe, c’est qu’il y a beaucoup de mouvements différents dans la région : il y a le JNIM, le mouvement de soutien à l’islam et aux musulmans, qui a ses propres objectifs que je ne connais pas. Vous avez l’État islamique, vous avez Daesh, il y a tout le monde. Avec le JNIM il n'y a pas d'hostilité pour le moment, par contre les autres mouvements sont pires que le Mali pour le mouvement touareg. Les Touaregs ne veulent pas s'allier à eux, mais comme ce sont des mouvements très puissants ils s'imposent, et les Touaregs n'ont aucun intérêt à faire la guerre à tout le monde. L'ennemi principal est le Mali.
Soyons clairs, l’Azawad, ce n’est pas seulement les Touaregs, n’est-ce pas ?
Bilal : Aujourd’hui, le mouvement indépendantiste touareg est composé de nombreuses populations différentes, notamment des Peuls et des Maures. Les Maures sont un peuple qui parle un dialecte proche du mauritanien.
En fait, le nom « Touareg » désigne à peu près tout le monde. Quand on dit « Touareg », il s’agit d’un peuple enturbanné, avec des codes vestimentaires partagés par tous dans la région. Donc je dirais que le nom Touareg recouvre tout le monde, mais si on voulait être précis on dirait les Kel Tamasheq, c'est-à-dire les gens qui parlent Tamasheq ; les Maures parlent le hassanya ; les Peuls parlent le Fulani ou Fulfulde comme ils disent ; les Songhay parlent le Sonhrai.
La définition du peuple touareg est un peu complexe. La position des Songhay est un peu neutre, ce sont des pêcheurs qui vivent au bord des rivières, comme par exemple à Gao qui est leur principale capitale. Alors que les Peuls, les Kel Tamasheq et les Maures ont toujours été plus impliqués dans la lutte.
Pouvez-vous nous dire ce qui vous relie à cette lutte en Azawad ?
Bilal : Tout. Je suis né là-bas et j'ai grandi là-bas. Toute ma famille est originaire de Kidal, la région de l'extrême nord, mais il y a d'autres régions : les régions de Ménaka, Gao, Taoudenni et Tombouctou, donc l'Azawad est un peu divisé comme ça. Dans la région de Kidal que je connais bien, j’ai beaucoup de proches, beaucoup de parents qui ont sacrifié leur vie pour la cause de l’Azawad, tués par le Mali ou ses alliés.
Et ce qui me relie aussi, c'est qu'aujourd'hui nous sommes au 21e siècle et les gens vivent dans une région terriblement riche, dans une pauvreté extrême. Mon devoir est donc de lutter pour que nous puissions vivre dignement sur cette terre et bénéficier de ces ressources, sans que le Mali, sous le couvert d’un soi-disant Etat, ne fasse exploiter ces ressources par des puissances étrangères, sans accord ni partage avec les populations autochtones. C'est quelque chose que je n'accepterai jamais.

La Russie voudrait donc exploiter les ressources là-bas ?
Bilal : Bien sûr, tous ceux qui sont allés là-bas avaient pour objectif d’exploiter ces ressources. Et le Mali est comme un intermédiaire. C’est un travailleur au service des puissances étrangères, pour donner des autorisations, alors qu’il n’est pas chez lui pour donner ça. Il peut être là temporairement, car c’est la loi du plus fort qui s’applique aujourd’hui.
C’est toujours avec l’aide d’une force étrangère qu’elle parvient à se positionner dans la zone Azawad. Sauf qu’aujourd’hui, on n’est plus comme dans les années 1960 où les Touaregs étaient enfermés dans cette zone.
Aujourd’hui, il y a des intellectuels touaregs qui sont partout sur la planète. La diaspora touarègue, en Amérique, en Europe, œuvre pour que cette zone retrouve son autonomie. Et le jour où des alliés voudront bien travailler avec eux, le Mali partira, il partira comme il est venu. Il est venu de force, il partira de force.
Pourquoi est-il important qu’il y ait des rassemblements en France ? On est loin…
Bilal : On est loin, mais c’est ici que la communauté touarègue, azawadienne, est la plus nombreuse. L’histoire du Mali et de l’Azawad est liée à la France, à la colonisation. La France y est jusqu’aux oreilles. C’est le premier colonisateur et la France espère toujours revenir. Aujourd’hui, il y a un grand changement géopolitique, il y a une grande guerre de puissances. Il y a dix ans, la Russie n’était pas en Afrique et la France était partout. Dans toute l’histoire, la Russie n’est jamais venue en Afrique du Nord. Il y a donc une guerre d’intérêts.
J’ai l’impression que la politique étrangère française espère toujours revenir au Mali comme avant. Elle espère toujours qu’un jour les Russes partiront et que la France reviendra. Je pense cela parce que je n’ai vu aucun intellectuel français ni aucune déclaration du gouvernement français dénonçant ce qui se passe. Ils dénoncent la junte militaire, mais il faut savoir que cette junte représente encore aujourd’hui le Mali. Même si la population n’est pas d’accord avec l’arrivée de cette junte au pouvoir, il y a aujourd’hui une fierté dans les pays d’Afrique subsaharienne d’avoir libéré la France. C’est comme s’ils se sentaient libérés.
Peu m’importe que ce soit la France ou la Russie au Mali, pour moi c’est la même chose. Ce que j’espère, c’est que la France et l’Union européenne en général regardent d’un œil favorable les Touaregs. Les Touaregs ont besoin d’alliés, ce sont de bons partenaires, nous pouvons travailler avec eux. Il est temps de saisir cette opportunité.
Aujourd'hui il y a un rassemblement de soutien à l'Azawad à Dijon, pourquoi à Dijon ?
Bilal : En janvier, nous avons participé à la première manifestation touarègue à Paris, en réponse à un appel des Kabyles. On nous a demandé de venir tous soutenir la cause de l’Azawad. On y est allés depuis #Dijon, de toute la France, on a fait une belle manifestation qui a été un succès. Quand on est repartis, on s’est demandé comment refaire quelque chose comme ça. On a tout de suite pensé à Dijon, parce qu’il y a une bonne communauté touarègue ici qui a commencé à arriver en 2012.
C’est une des grandes communautés de France, qui a été aidée par des collectifs et des associations et notamment le Quartier des Lentillères. Il y a eu cette rencontre avec les Lentillères qui a encouragé les Touaregs à s’installer à Dijon. Parce qu’il y a eu ce croisement d’esprit et de mode de vie entre les Touaregs et les habitants des Lentillères, c’est vrai !
La communauté touarègue s'est donc agrandie, ce qui rend plus facile l'organisation d'un rassemblement ici qu'ailleurs. Avec le soutien du collectif soutien asile 21 également, sans oublier la Ligue des droits de l'homme qui a fait la déclaration de la manifestation à la préfecture.
À quoi aimeriez-vous que ressemble ce rassemblement aujourd’hui ?
Bilal : J’aimerais qu’il y ait des gens, et pas seulement des Touaregs. Des gens de Dijon qui viendraient dénoncer la situation et se mettre aux côtés des Touaregs parce que c’est le moment, les Touaregs ont besoin de soutien maintenant. Il y a aussi des intellectuels touaregs qui viendront de Paris, de Lyon, de Strasbourg, qui prendront la parole.
Et à la fin de la manifestation, il y aura un repas partagé avec les Touaregs aux Lentillères. Nous voulions faire un concert de musique touarègue en fin de journée, mais tout le monde n’était pas d’accord car il y a eu beaucoup de morts en Azawad ces 20 derniers jours, donc c’est une période de deuil et la musique touarègue est une musique de fête… Mais ce n’est que partie remise !
Voulez-vous ajouter quelque chose ?
Bilal : Je suis un simple Franco-Azawadien, et je préfère dire Azawadien que Malien parce que je ne me suis jamais senti Malien. Ce n’est pas que je me sens supérieur aux Maliens, parce que j’ai la peau claire ou quoi que ce soit, ça n’a rien à voir avec ça. La vérité c’est qu’il n’y a rien qui me rattache au Mali, l’histoire, la langue, la culture, rien. C’est noir et blanc. Simplement, quand la colonisation française s’est arrêtée, elle nous a laissé le Mali.
Je voudrais dire qu’il faut chercher des informations, qu’il faut s’intéresser à la situation des Touaregs et essayer de savoir ce qui se passe réellement. Parce qu’il y a une forte propagande du Mali pour faire passer les Touaregs pour des mouvements terroristes islamistes.
Les Touaregs sont un peuple pris en otage entre le terrorisme malien et le terrorisme international, il faut le savoir. Les Touaregs ont besoin d’alliés, prêts à les soutenir publiquement. Il faut s’intéresser à eux, il faut se rapprocher des Touaregs.
Publié par Dijonctr.info le 31/08/2024 | Mis à jour le 01/09/2024
Publié ici avec l'autorisation du Centre de Dijon. Groupe de soutien Azawad 01-09-24