
RHISSA, L'HOMME QUI A GAGNÉ LA BATAILLE DE TINZAWATEN.
« Des prisonniers peuvent être échangés en échange du départ définitif des forces russes de l’Azawad »
By Contre-Poison August 16, 2024.
La bataille de Tinzawaten représente la première défaite majeure de Wagner sur le continent africain. Du 25 au 27 juillet, elle a opposé les combattants du Cadre stratégique permanent de défense de l’Azawad (CSP-DPA) aux mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner et aux soldats des Forces armées maliennes (FAMa). Le colonel Hamad Rhissa Ag Hamad-Assala, chef d’état-major de la Coordination des mouvements de l’Azawad, est l’artisan de cette victoire dont les enjeux s’étendent bien au-delà de l’Afrique de l’Ouest. Cet échange a été traduit du tamashek.
Loup Viallet, directeur de Contre-Poison – De nombreux civils touaregs et peuls m’ont confié que depuis le départ de Barkhane et l’arrivée de Wagner, ils subissaient une véritable épuration ethnique. La junte de Bamako, appuyée par les éléments de Wagner, mène-t-elle une purge de ces populations dans le nord du Mali ? Le départ de Barkhane a-t-il précipité cette situation ?
Colonel Hamad-Rhissa Ag Hamad-Assalah – Combattre la junte est une obligation morale pour tout Azawadien, qu’il soit civil ou militaire, armé ou non. La junte a fait venir les mercenaires de Wagner dans le but de procéder à une épuration ethnique des Azawadiens, comme en témoigne le fait que toutes les villes attaquées par les Forces armées maliennes et Wagner ont vu des milliers de civils tués et piégés dans des mines après leur passage. La bataille de Tinzawaten a été la première bataille entre le CSP et la junte. A part cela, ils n’ont tué que des civils azawadiens qui n’ont aucun lien avec les combattants.
Barkhane a refusé de faire le sale boulot d’épuration des communautés du Nord au profit de Bamako.
Le départ de la force Barkhane a été organisé par la junte malienne car Barkhane refusait de faire le sale boulot d’épuration des communautés du Nord au profit de Bamako et refusait catégoriquement de faire la guerre à la place de l’armée malienne. Depuis, ils traitent avec Wagner, une organisation terroriste reconnue, pour qu’elle extermine les populations du Nord et pille leurs biens et leurs ressources. La junte les paye pour cela.
Vendredi dernier, 3 août, le ministre sénégalais des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur d’Ukraine à Dakar pour « apologie du terrorisme ». Le diplomate ukrainien avait réitéré le « soutien sans équivoque » de son pays à ceux qui ont vaincu les Wagner et les Fama à Tinzawaten. Considérez-vous le gouvernement sénégalais comme un allié de la junte de Bamako ? Que répondez-vous aux autorités sénégalaises qui vous qualifient de « terroristes » ?
L’ambassadeur ukrainien ne défend que ses intérêts. L’Ukraine est en guerre avec la Russie et toute personne ou organisation qui combat ses ennemis devient son alliée. Le CSP a publié une déclaration à la CEDEAO, dont le Sénégal est membre. Dans ce communiqué, le CSP a rappelé à la CEDEAO que le Mali s’est retiré de l’organisation pour fonder l’AES. La déclaration de la CEDEAO en faveur du Mali prouve que cette organisation n’est pas neutre.
La CEDEAO est une organisation raciste.
Les Azawadiens sont des Africains de l’Ouest comme les Maliens, le Mali ayant commis plus de crimes que tous. Cela prouve que la CEDEAO est une organisation raciste, qualifiant les Azawadiens de terroristes sans se soucier des crimes de Wagner.
Le CSP-DPA affirme avoir capturé une quinzaine de prisonniers, dont des mercenaires du groupe Wagner. Quels sont leurs profils ? Comment sont-ils traités ? Comptez-vous les utiliser comme monnaie d’échange ?
Les prisonniers peuvent être échangés en échange du départ définitif des forces russes de l’Azawad.
Quand il y a une guerre, il y a toujours des pertes humaines, mais le CSP reste dans le cadre du Droit International Humanitaire et des Droits de l’Homme. Le CSP ne vend pas de prisonniers ni ne les échange contre un quelconque intérêt, sauf s’il y a des intérêts pour le peuple de l’Azawad, et la Russie reconnaît son tort, à savoir être venue chez les Azawadiens pour les combattre au nom du Mali sans aucune raison.
Les prisonniers peuvent être échangés contre le départ définitif des forces russes de l'Azawad. Dans le cas contraire, le CSP n'échange pas de prisonniers contre de l'argent.
Au lendemain de la bataille de Tinzawaten, le porte-parole du service de renseignement ukrainien GUR a déclaré le 29 juillet que « les rebelles ont reçu les informations nécessaires, et pas seulement des informations, qui ont permis de mener à bien une opération militaire contre les criminels de guerre russes ». Quelle a été la nature de l’aide fournie par l’Ukraine ? L’Ukraine a-t-elle aidé à former vos combattants ? Kiev vous a-t-elle fourni des drones ?
Nous n’avons pas connaissance de l’aide apportée par l’Ukraine en termes de renseignement et de soutien aux drones. La bataille de Tinza a été menée par le CSP.
Selon la junte malienne, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (lié à Al-Qaïda) aurait participé aux combats de Tinzawaten. Sont-ils vos alliés ?
La bataille de Tinza fut menée par les Azawadiens et remportée par eux.
Quels sont vos objectifs de guerre ? Reprendre Kidal ? Inafarak ? Renverser la junte de Bamako ? Obtenir l’autonomie des territoires du Nord Mali ? Créer les conditions de l’indépendance de l’État de l’Azawad ?
Le combat du CSP est un combat pour la liberté de l’Azawad dans son ensemble et non pour une région en particulier. Toutes les régions de l’Azawad sont égales aux yeux du CSP.
Si l’Azawad était autonome (ou indépendant), comment serait-il organisé ? Comment vivrait sa population ? S’agirait-il d’une république islamique régie par la charia ou d’un État respectueux du pluralisme religieux ?
L'Azawad est dirigé par le CSP.
Le peuple de l'Azawad est à 100% musulman depuis la nuit des temps et aujourd'hui ce sera un pays islamique comme la Mauritanie et l'Algérie. L'Azawad est dirigé par le CSP, c'est la seule organisation qui cherche l'indépendance de l'Azawad et la seule force capable de s'imposer est le CSP. Il a un bureau politique unique et une armée unique composée de tous.
Comment voyez-vous l’avenir de l’Alliance des Etats du Sahel ? Qu’avez-vous à dire aux juntes de Ouagadougou et de Niamey qui ont accueilli des instructeurs russes et des mercenaires de Wagner ?
L’Alliance des États du Sahel est un non-événement.
L’Alliance des États du Sahel est un non-événement, elle est composée de putschistes des trois pays. Elle n’est ni légitime ni reconnue par aucune institution internationale. Son seul but est de combattre les populations autochtones du Liptako, du Sahara et du centre, les Peuls, les Arabes et les Tamasheks [les Touaregs, ndlr]. Ils savent très bien qu’ils ne peuvent rien faire seuls.
Le 30 juillet dernier, le président de la République française a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. L’intangibilité des frontières n’est donc plus un tabou pour la France, qui semble prête à soutenir les revendications territoriales des États qui comprennent ses intérêts. Si vous étiez face au président de la République française et au ministre français des Affaires étrangères, qu’auriez-vous à leur dire ?
S’il y a un pays africain dont la souveraineté doit être reconnue par la France, c’est l’Azawad. C’est la France qui nous a unis au Mali par le passé et aujourd’hui, c’est la France qui doit nous séparer du Mali. C’est notre souhait adressé à la fois à la France et à l’Union européenne, qui sont bien conscientes des réalités qui nous séparent du Mali.
Que souhaiteriez-vous dire à l’opinion publique française et européenne ? Comment devrait-elle se sentir concernée par votre combat ?
Nous plaidons pour que l’Union européenne porte un nouveau regard sur les Azawadiens, un peuple qui lutte depuis de nombreuses années pour sa liberté, et ce depuis que la France nous a réunis au Mali sans notre accord.
Ce que la France et l’Union européenne recherchent avec le Mali depuis tant d’années et n’ont pas trouvé, à savoir une bonne collaboration, la sécurité, les intérêts miniers, le développement des entreprises européennes, elles le trouveront avec les Azawadiens.
Nous ne cesserons jamais de nous battre pour notre terre.
Le Mali ne pourra jamais donner de garantie sur nos territoires et nous ne cesserons jamais de nous battre pour notre terre. Nous demandons aux partenaires qui veulent travailler sur notre sol de nous donner un coup de main pour un soutien et un partenariat gagnant dans le futur.
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Réédité avec la permission de Contre-Poison.
Ici vous pouvez lire l'interview originale en français et voir aussi une vidéo de la bataille de Tinzawatine.
17-08-24